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    cette page est en constante construction, il s'agit d'un projet de recherche ayant pour objet les zines


    Pratiques d’auto-publication et politisation: Quel(s) processus de socialisation politique dans la pratique des zines militants ?

    I - THÈME DE RECHERCHE

    J’aimerai m’intéresser à la manière dont se politisent les individus. Je compte faire cela par le biais d’une enquête de terrain (cf II), en me focalisant sur une pratique très niche parmi les pratiques militantes : les zines.

    Les zines sont des magazines auto-édités ; on parle également de fanzines lorsqu’il s’agit pour son ou ses auteurs de s’exprimer sur une de leur passions. De part son carrière dé-professionnalisé, décapitalisé et désinstitutionnalisé, le zine est un média alternatif1 (BELIN, 2020). En d’autres termes il s’agit d’un moyen de publication au public restreint, pouvant contribuer à sa réalisation, et dont la ligne éditoriale est déterminée par ses seuls auteurs1. Sa faible diffusion nous permet de considérer ces publications comme une forme de micro édition également. Dans un article de la revue des médias2, la journaliste Marine Slavitch situe dans les années 1970, à la suite de mai 68, la naissance et le développement des zines politiques, contestataires. Je parlerai dans mon analyse de zines militants, c’est à dire des zines défendant une(des) cause(s) politiques en vue de la reconnaissance du caractère légitime de cette(ces) même(s) cause(s) par la société.

    Pour parler du zine militant il est possible de le dire au féminin, néanmoins la fanzine3 (SANCHEZ, 2024) désigne des zines politiquement situées à gauche. Or, puisque je souhaite m’intéresser à des zines militants dans leur ensemble, je n’emploierai le féminin que pour désigner les zines (féministes, intersectionnels, queers, ...) employant ce même féminin.*

    Je m’intéresse ici au zine en tant que pratique : il s’agit de prendre en compte tout le processus de réflexion en amont à sa création, son écriture et ses objectifs, sa diffusion, et enfin sa lecture. Puisqu’il s’agit d’un média alternatif, je chercherai ici quelles sont les spécificités de cette pratique, dans le cadre militant, et quelles conséquences ont ces spécificités sur la politisation de ses pratiquants (créateurs, diffuseurs et lecteurs).


    Par politisation j’entends le processus par lequel un individu en vient à s’intéresser à la politique et s’approprie des enjeux politiques, vis à vis desquels il parvient à se situer. J’entends également le fait de se construire une identité politique.

    La notion de politisation étant polysémique, voire « polymorphe » au sens de Passeron4 (DELOYE & HAEGEL, 2019), je préfère utiliser un autre concept qui reste proche de ce à quoi je veux m’intéresser. Bien que, au fil de mon analyse, je pourrai être amenée à élargir mon cadre d’étude avec une conception de la politisation proche de celle de Lagroye, par exemple, en m’intéressant à la capacité des zines de faire émerger des causes et des enjeux invisibilisés dans la sphère politique (ou « une requalification des activités sociales » pour reprendre Lagroye.5 (AÏT-AOUDIA, BENNANI-CHRAÏBI, CONTAMIN, 2010) )


    Néanmoins, je préfère cadrer mon analyse à l’échelle individuelle, sur les processus de socialisation politique qui s’opèrent dans la pratique des zines militants. La socialisation politique se définit comme le processus par lequel un individu construit la « dimension politique de son identité sociale », aux travers des normes et pratiques qu’il intègre6. (PERCHERON, 1985)

    Pour Percheron, il s’agit d’acquérir un « outillage politique »8, et c’est exactement ce à quoi je m’intéresse ici : je cherche à savoir si la pratique des zines militants permet aux individus de se doter d’un « outillage politique », de grilles de lectures leur permettant de se situer politiquement et de s’approprier des enjeux pour se conformer à, ou rejeter, des actes politiques.

    Percheron se concentre sur la socialisation politique primaire dans l’enfance et l’adolescence car c’est là que se construit l’essentiel de l’identité politique d’un individu6. Néanmoins, elle précise que cette socialisation politique se poursuit dans l’adolescence tardive et l’age adulte, et c’est cette socialisation politique continue (ou secondaire) qui m’importe car la conception, la diffusion et la lecture des zines est une pratique que l’on retrouve généralement à l’age adulte et non pas dans l’enfance.

    Le fait que la socialisation politique ne s’arrête pas à l’age adulte (et que la socialisation politique secondaire peut clairement s’opposer à la primaire) a déjà été illustré dans le milieu militant par Élise Cruzel dans son analyse de l’engagement militant à Attac7. J’espère parvenir à illustrer cela dans la pratique des zines militants également. Je me soucierai donc aussi de la socialisation militante, une des composantes de cette socialisation politique8 (BARGEL, 2020)

    De plus, il m’importe de savoir s’il s’agit d’une pratique ponctuelle ou continue. S’il s’agit d’une pratique continue, sachant la proximité des créateurs des zines militants entre eux et avec leurs lecteurs1, il sera possible de se demander si cette pratique permet la création d’un groupe de pairs, d’un milieu de socialisation9 (BRAUD, 1982). De plus, puisqu’il s’agit d’un média alternatif, est-ce que ces mêmes zines militants peuvent être vus comme un agent de socialisation9 ? ou encore un moyen de mobilisation politique ?

    Enfin, il s’agira dans mon analyse de comprendre également comment les individus qui produisent et échangent des zines ont été socialisés politiquement par le passé (le but étant ici de rechercher s’il y a une disposition à créer des zines militants parmi ces individus)


    II - MÉTHODOLOGIE


    En menant au minimum une dizaine d’entretiens, j’entends réaliser une analyse qualitative sur les processus de socialisation politique secondaire qui traversent la pratique de zines militants. Les personnes interrogées seront des créateur-ices et/ou des diffuseurs de zines militants. Les diffuseurs sont appelés « distros » par les personnes pratiquant le zine, Antoine Lefebvre définit cela comme « une boutique de fanzines fixe ou itinérante gérée par une personne ou un collectif qui diffusent des zines d’évènements en évènements ou en marge d’une structure »10. Sera considéré comme zine militant dans mon enquête tout zine que la personne interrogée qualifiera elle même de « militant », « politique » ou issu d’un mouvement politisé (« féministe », « antiraciste », « queer », …)

    Je construirai une grille d’entretien en vue d’identifier le profil sociologique, la trajectoire sociale, des énquêté-es. Puisque l’identité politique est définie en grande partie dans l’enfance (PERCHERON, 1985) et puisque les socialisations qui ne portent pas directement sur des objets politiques influent sur la socialisation politique et militante des individus8, il sera alors primordial de dresser un profil sociologique complet des créateur-ices de zines qui intègre, entre autres, le rapport qu’ont ces derniers à leur famille et à leur milieu d’origine. En effet, les socialisations politique et militante sont des cadres de socialisation parmi d’autres, nous sommes en ce sens des individus « pluriels »11 (LAHIRE, 1998) et ce profil aura pour objectif de comprendre ce qui a amené, et amène, les intérogé-es à pratiquer le zine.

    Cette même grille aura pour but de révéler les processus de socialisation politique dans la pratique du zine militant, à travers des questions intermédiaires (des questions aux quelles j’essaierai de répondre à travers mon enquête, il ne s’agit pas des questions que je poserai directement durant les entretiens). Par exemple :

    En plus de ces entretiens, je souhaite compléter mon enquête en analysant certains zines militants.



    1 Olivier BELIN, Au pays des fanzines : de la presse alternative à l’archive instituée , Sociétés & Représentations, 2020/2 (N° 50), p. 165-173
    2 Marine SLAVITCH, Le grand réveil du fanzine , La revue des médias (17/12/2021) [lien]
    3 Chloé S. SANCHEZ, la fanzine , 2024.
    4 Yves DELOYE, Florence HAEGEL, La politisation : du mot à l’écheveau conceptuel , Politix, Volume 32 - n° 127/2019, p. 59-83
    5 AÏT-AOUDIA, BENNANI-CHRAÏBI, CONTAMIN, Contribution à une histoire sociale de la conception lagroyenne de la politisation , Critique internationale, no 48, juillet-septembre 2010
    6 Annick PERCHERON, La socialisation politique : défense et illustration ,Traité de science politique. Tome 3.
    7 Elise CRUZEL, « Passer à l'Attac ». Eléments pour l'analyse d'un engagement altermondialiste , Politix, vol. 17, n°68, Quatrième trimestre 2004. Militants de l'altermondialisation. pp. 135-163
    8 Lucie BARGEL, La socialisation politique, Dictionnaire des mouvements sociaux , Paris, Presses de Sciences Po, 2009,
    9 Philippe BRAUD, La Science politique , Presses Universitaires de France, 1982; 12e édition, 2023, §198, p. 325 - 329
    10 Antoine LEFEBVRE, Etudes sur les zines : entre verticalité et horizontalité . In CRITIQUE D'ART n°62 | Printemps/été 2024
    11 Bernard LAHIRE, L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action , Paris, Nathan, 1998
    12 Lucie BARGEL, La socialisation politique sexuée: apprentissage des pratiques politiques et normes de genre chez les jeunes militant·e·s , Nouvelles Questions Féministes Vol. 24, No 3 / 2005
    13 Karel YON, Militer en bandes à l’AJS-OCI dans les années 1970 , Politix, n°70, 2005, p. 137-167
    * NOTA BENE : toutefois, je n’ai rencontré que des zines militants de gauche dans mes lectures personnelles jusqu’à présent.


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